Appel à communications | Que fait une sculpture à un jardin ? Que fait un jardin à une sculpture ? (17e-21e siècle)

Appel à communications | Que fait une sculpture à un jardin ? Que fait un jardin à une sculpture ? (17e-21e siècle)

Cette journée d’étude s’inscrit dans le cadre de la 22e édition des Rendez-vous aux jardins organisée les vendredi 6, samedi 7 et dimanche 8 juin 2025, qui a pour thème « Jardins de pierres - pierres de jardins ».

Sous la direction scientifique d’Emmanuelle Héran, conservatrice en chef, responsable des collections des jardins, musée du Louvre

Vendredi 6 juin 2025
Paris, musée Rodin, auditorium Léonce Bénédite
Retransmission en ligne en direct

Propositions à adresser avant le 31 mars 2025 à l’adresse colloques@musee-rodin.fr.

La sculpture et les jardins entretiennent, depuis l’Antiquité, des rapports étroits, qui ont été réactivés à la Renaissance. Auguste Rodin lui-même s’enquit de cette question, ainsi que Paul Gsell le rapporte dans L’Art : « D’habitude on place des statues dans un jardin pour l’embellir : Rodin, c’est pour embellir les statues. C’est que la Nature est toujours pour lui la souveraine maîtresse et la perfection infinie. » Néanmoins, les ouvrages retraçant l’histoire des jardins tiennent trop peu compte, voire pas du tout, de la statuaire qui les peuple. Inversement, les spécialistes de sculpture prennent rarement en considération le contexte particulier qu’un jardin offre à une œuvre ou abordent peu ce qu’une sculpture procure à un jardin. Dans l’une et l’autre disciplines, les publications sont souvent illustrées de photographies qui cadrent de près les sculptures, comme si elles étaient exposées dans une salle de musée, quand elles ne sont pas détourées. Pourtant, un jardin n’est pas un musée ; il n’offre à une œuvre en trois dimensions ni un « White cube », ni même un « green cube » avec le ciel pour plafond.

En effet, quoi de plus changeant, d’éphémère qu’un jardin ? Au fil des saisons, selon les heures du jour et le temps qu’il fait, l’environnement d’une sculpture varie. S’il existe bien une « muséographie » des jardins, définie à la fois comme la manière d’exposer des sculptures dans des jardins et comme la composition de jardins comprenant des sculptures, elle n’a jamais fait l’objet d’une étude de synthèse. Elle n’est quasiment pas enseignée, pas plus aux conservateurs chargés d’un « musée de sculptures en plein air », qu’aux paysagistes et jardiniers concepteurs ou gestionnaires. En ce sens, la thèse de Louis Gevart1 a été pionnière.

Se pose aussi la question du sens. Dans les parcs et jardins royaux et aristocratiques, un ensemble de sculptures peut répondre à un programme iconographique cohérent dont l’analyse révèle les intentions politiques, telle la fameuse « Grande Commande » de 1674 pour Versailles. Cependant, plus fréquents sont les cas où bosquets et pelouses accueillent une collection disparate, dont la cohérence – si tant est qu’il y en ait jamais eu – a pu s’effacer. L’histoire d’une collection exposée dans un jardin peut être similaire à celle d’un musée. Elle peut aussi n’être en rien comparable, dans la mesure où les œuvres acceptées dans un jardin ne sont pas forcément des commandes ou des premiers choix, mais peuvent être arrivées après coup, par défaut, rester à l’air libre faute de mieux ou, quand elles sont trop abîmées ou vandalisées, être retirées dans l’urgence.

Ainsi, il arrive qu’un projet de restauration, de transformation ou de création ex nihilo impose à un paysagiste de se pencher sur la difficile question des sculptures. Dans le monde des monuments historiques, la gestion d’un ensemble de statues n’incombe pas toujours à l’architecte en chef, mais à un conservateur du patrimoine. Cette séparation des pouvoirs mérite d’être interrogée : est-elle pertinente ou contreproductive ? Comment instaurer le dialogue ? La réflexion peut inclure celle du choix du matériau, de son adaptation, de sa pérennité. Pourront être citées des œuvres créées en étroite collaboration pour un jardin – en anglais « site specific » –, à l’instar de L’Arbre des voyelles de Giuseppe Penone et Pascal Cribier au jardin des Tuileries.

Au cours du XXe siècle, les parcs et jardins de sculptures, créés comme tels, se sont davantage attachés à la présentation d’une « histoire vivante de la sculpture en construction » (Louis Gevart). Aux objectifs iconographiques a pu se substituer la production d’un récit historico-stylistique, sans véritable recours à un paysagiste. Or, comme le montrent les profonds changements apportés récemment au parc Middelheim à Anvers et la recréation de programmes entiers à Stowe, le retour à la cohérence iconographique semble bien s’opérer, pour répondre à l’horizon d’attente présumé du public.

Lors de cette journée d’étude, pourront être abordées des études de cas d’une même œuvre déclinée dans des tailles et matériaux différents, dont l’effet produit sur un jardin peut être déterminant pour sa composition ou au contraire devenir dérisoire. Songeons aux copies d’antiques célèbres – l’Hercule Farnèse, la Diane de Versailles – dont l’usage, recensé par Haskell et Penny en 1981 et récemment révisé, se poursuit. Des exemples de sculptures dont l’apport à un jardin n’apparaît pas indispensable, ou d’essais qui se sont révélés non concluants, de socles restés vides ou encore regarnis seront les bienvenus. La question cruciale demeurant celle de l’utilité et de la pertinence d’une œuvre en trois dimensions dans un contexte de jardin. Autrement dit, qu’est-ce qu’une sculpture fait à un jardin ? Et qu’est-ce qu’un jardin fait à une sculpture ?

Cet appel concerne les historiens de l’art spécialisés dans les jardins ou dans les sculptures. Il s’adresse également à des responsables de parcs et jardins, à des architectes du patrimoine, à des paysagistes, qui ont conduit des études préalables ou des restaurations de jardins historiques afin qu’ils partagent leurs réflexions et leurs pratiques de terrain récentes, menées en lien étroit avec des historiens de l’art et des sculpteurs. Il s’appuiera sur les problématiques suivantes :

  • À quoi sert une sculpture dans un jardin ?
  • L’iconographie : à la recherche de la cohérence
  • Quand la statue manque / Le socle vide
  • Quel matériau dans un jardin ?
  • Paysagistes et sculpteurs / Les œuvres « site specific »

Propositions

Les propositions de participation devront comprendre un titre, un résumé (entre 1 500 et 2 000 signes) et une brève notice biographique (entre 500 et 1 000 signes). Elles sont à adresser avant le 31 mars 2025 à l’adresse colloques@musee-rodin.fr

Comité scientifique et organisation

Emmanuelle Héran, conservatrice en chef, responsable des collections des jardins, musée du Louvre
Amélie Simier, conservatrice générale du patrimoine, directrice du musée Rodin
Véronique Mattiussi, cheffe du service de la Recherche, musée Rodin
Franck Joubin, documentaliste chargé des colloques, musée Rodin

Visuel : Edvard Munch (1863-1944), Le Penseur de Rodin dans le parc du Dr Max Linde à Lübeck, vers 1907, huile sur toile, H. 143 ; L. 98 cm, Paris, musée Rodin, achat en 1981, P.07612

 

1 Louis Gevart, La Sculpture et la terre. Histoire artistique et sociale du jardin de sculpture en Europe (1901-1968), thèse de doctorat en histoire de l’art, sous la direction de Thierry Dufrêne, Université Paris Ouest Nanterre La Défense, janvier 2017.